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Nouveau rebondissement dans la saga RSI : le régime légal de sécurité sociale et la loi

Le 25 mars 2015
Par une décision du 23 mars 2015, la Cour d'appel de Limoges revient sur sa position et fait sienne celle de la Cour de Cassation sur le statut du Régime Social des Indépendants.

Nouveau rebondissement dans la saga RSI : le régime légal de sécurité sociale et la loi



Ils étaient nombreux, ces indépendants, à espérer suite à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Limoges le 20 octobre 2014, repris par le Tribunal de Grande Instance de Nice en décembre 2014, qui ordonnait au RSI de justifier de son immatriculation au registre des mutuelles afin de déterminer s’il avait qualité à agir en justice.

Nous avions évoqué dans une publication précédente les enjeux profonds, tant politiques qu’économiques, que soulevait cette position des magistrats du fond, en désaccord avec celle de la Cour de cassation pour qui le Régime Social des Indépendants « concourait à la gestion du service public de la sécurité sociale fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif », n’étant de ce fait pas une entreprise au sens du droit communautaire (Cass. 1ère Civ., 4 mai 2011, pourvoi n°10-11.951, JurisData 2011-007718).

Ils sont aujourd’hui nombreux à être déçus par le « retournement de veste »  magistral de la Cour d’appel de Limoges qui s’est opéré dans un arrêt rendu ce lundi 23 mars 2015.

Que nous apprend cette décision sur le raisonnement des « secouristes du RSI » ?

  • La nature juridique de la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants
« Attendu, nous dit la Cour d’appel de Limoges, que le RSI, créé par une ordonnance de 2005 ajoutant un titre au code de la sécurité sociale, est un organisme de sécurité sociale de droit privé doté de la personnalité morale et chargé d’une mission de service public ».

La Cour rappelle ici que le RSI a été créé par une loi spécifique, qui a aménagé un régime particulier pour cet organisme, au sein du code de la sécurité sociale.

Le caractère de droit privé du RSI n’est pas contesté, ni le fait qu’il est gestionnaire d’un service public ou « chargé d’une mission de service public ».

Petit rappel de principe : en droit interne, le Conseil d’Etat a souligné dans son arrêt de section du 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, que la gestion d’un service public par un organisme privé doit en principe résulter d’un contrat de délégation de service public ou, « si la rémunération du cocontractant privé n’est pas substantiellement liée aux résultats d’exploitation du service, d’un marché public de service » ; que les collectivités publiques « peuvent toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ».

Il est donc bien rappelé dans cet arrêt un principe général de mise en concurrence, qui souffre de quelques exceptions non applicables au cas du RSI dans la mesure où l’activité d’assurance maladie est bien évidemment une activité pour laquelle une mise en concurrence des opérateurs est possible.

Si l’on en reste au droit interne, on rencontre déjà une difficulté tenant au fait que le RSI, organisme privé, est chargé d’une mission de service public, même si cette « délégation » est intervenue par la voie légale.

En effet, et sans entrer dans les arcanes du droit public, la délégation de service public s’opère suivant des conditions strictes, sans même évoquer l’ingérence du droit des contrats et du droit de la concurrence issus de la législation européenne.

Ensuite, la délégation de service public présente des conséquences lourdes pour l’organisme privé, notamment sur son fonctionnement, avec l’application des règles du service public (égalité, mutabilité, continuité) et le cas échéant, des obligations comptables spécifiques, un statut particulier du personnel, un régime contraignant sur certains actes etc.

Il est permis d’émettre des doutes sur l’intérêt du RSI à se voir reconnaître de telles obligations, pourtant indissociables de son activité, si celle-ci est bien « la gestion d’un service public ».

Enfin, sur le terrain du droit communautaire dont l’esprit est très clairement de favoriser la mise en concurrence, on n’échappe à cette dernière qu’entre pouvoirs adjudicateurs, c'est-à-dire « l’État, les autorités régionales ou locales, les organismes de droit public ou les associations formées par une ou plusieurs de ces autorités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public » (Directive 2014/24/UE du 26 février 2014).

Le fait pour le RSI de passer des marchés publics en tant que pouvoir adjudicateur n’est certainement pas de nature à le faire entrer, en tant qu’organisme privé, dans le champ des pouvoirs adjudicateurs tels qu’entendus par la directive 2014/24/UE.

Au niveau européen, et en dépit de l’insertion d’une disposition prudente dans les considérants de la directive précitée (« Il convient également de rappeler que la présente directive ne devrait pas affecter la législation des États membres en matière de sécurité sociale »), on peut donc affirmer sans trop prendre de risque qu’il n’est pas concevable qu’un organisme de droit privé comme le RSI soit chargé de la gestion d’un service public sans mise en concurrence, et ce même si son monopole est construit par une loi nationale.

  • La nature des « missions » et de l’activité du RSI
La Cour d’appel de Limoges poursuit : « [Attendu que] la fonction du RSI repose sur le principe de solidarité et a un caractère exclusivement social, dépourvu de tout but lucratif ; que son rôle n’est pas celui d’une mutuelle ; qu’il ne relève d’ailleurs pas du code de la mutualité mais de celui de la sécurité sociale ».

Le RSI n’est donc pas une mutuelle car sa fonction, nous dit la Cour, repose sur le principe de solidarité et a un caractère exclusivement social, dépourvu de tout but lucratif. D’ailleurs, le RSI relève du code de la sécurité sociale et non du code de la mutualité.

Nous l’écrivions déjà dans une précédente publication relative à la décision du TGI de Nice, mais il est pour le moins surprenant de lire qu’un organisme n’est pas une mutuelle après qu’il ait été dressé une description qui entre précisément dans le champ des mutuelles telles que définies à l’article L 111-1 du Code de la mutualité.

-          La personne de droit privé à but non lucratif

Cette caractéristique se trouve précisément dans la disposition précitée : « Les mutuelles sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif » ;

-          Le principe de solidarité

Il régit également le fonctionnement des mutuelles qui « mènent, notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres, et dans l'intérêt de ces derniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide » (L 111-1, I, du Code de la mutualité) ;

-          Le caractère social

Là aussi, il ressort des textes que les mutuelles peuvent avoir pour objet « de mettre en œuvre une action sociale ou gérer des réalisations sanitaires, sociales ou culturelles » (article L 111-1).

Difficile donc à la lecture de cette description de l’activité du RSI, puis de l’article L 111-1 du Code de la mutualité, d’arriver à la même conclusion que la Cour qui est que le rôle du RSI n’est pas celui d’une mutuelle.

Il faudrait pour cela examiner sur quels points l’activité du RSI et les principes qui la gouvernent diffèrent de ceux d’une mutuelle, dans la mesure où sa structure et les principes sociaux et de solidarité qui la soutiennent, sont identiques.

Cela pourrait être « la solidarité nationale » puisque la Cour d’appel de Limoges précise que ce principe gouverne le code de la sécurité sociale, contrairement au code de la mutualité, qui ne semble poser une solidarité qu’entre les membres d’une même mutuelle.

Cet argument très intéressant devrait être examiné à la lumière du fonctionnement pratique du RSI et notamment financier, qui devrait donc fort logiquement être de faire des indépendants des cotisants solidaires des salariés, et des salariés des cotisants solidaires des indépendants, ainsi que de l’ensemble de la population nationale, toutes catégories socioprofessionnelles confondues.

On se trouverait alors dans un fonctionnement de solidarité nationale.

C’est sans doute en filigrane la distinction que la CJUE a opéré entre les régimes légaux de sécurité sociale et les régimes professionnels de sécurité sociale dans son arrêt Podesta du 25 mai 2000 concernant l’AGIRC et l’ARRCO, considérés comme des régimes professionnels et non légaux.

Loin d’être gagné pourtant quand on voit que le conseil d’administration du RSI, le 10 juin 2014, s’est opposé « fermement » à « l’intégration financière » du RSI au régime général par le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, et notamment à son article 3, dans le souci de préserver « son autonomie et sa pérennité », tel qu’il apparaît dans un communiqué de presse du RSI en date du 12 juin 2014.

Il est donc permis d’émettre des doutes sur l’opportunité d’utiliser l’argument – oh combien noble – de la solidarité nationale, pour préserver le monopole du Régime Social des Indépendants.

Enfin, la Cour d’appel de Limoges trace une frontière très catégorique entre le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale (ce dernier posant « en principe la solidarité nationale »).

Cette frontière semble départager également les organismes relevant du régime légal de sécurité sociale, des autres organismes d’assurance maladie ou des mutuelles.

Pourtant, le RSI n’est pas le seul organisme privé chargé de la gestion d’un régime légal et obligatoire de sécurité sociale, et nous pensons notamment au régime social des étudiants, relevant du code de la sécurité sociale avec obligation d’affiliation (article L381-4 du code de la sécurité sociale) et géré par la LMDE et la SMEREP, organismes privés.

Ce qui n’empêche nullement ces organismes d’être immatriculés selon les dispositions de l’article L 411-1 du code de la mutualité, en tant qu’organismes de droit privé fondés sur un principe de solidarité, gérant un régime légal et obligatoire de sécurité sociale.

En résumé, la Cour d’appel de Limoges aura peut-être mal cerné le « combat » des indépendants qu’elle rattache à un « courant qui tend à la suppression du monopole de la sécurité sociale », là où il ne s’agit peut-être que de contester le mode de fonctionnement, la structure et les raisons d’être du RSI, organisme privé qui ne semble pas offrir la transparence inhérente aux devoirs attachés au service public qu’il est censé gérer.

Espérons pour les indépendants que cette « victoire » du RSI ne sera pas un frein à des projets de réorganisation et de réforme de la sécurité sociale des artisans, dirigeants ou entrepreneurs individuels, afin de leur permettre d’accéder à une couverture sociale qui corresponde aux réalités de leur activité et à ses contraintes, ce qui permettrait sans doute d’apaiser la contestation.

Pour mieux comprendre le vécu et les préoccupations des indépendants, je renverrai à un article paru sur un blog Mediapart qui a le mérite d’apporter, au-delà de l’aspect juridique, l’éclairage du concret : http://blogs.mediapart.fr/blog/colporteur/280115/la-face-cachee-du-rsi

C. LARRAZET-CASAROLI

A. GUILBERT

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